"Un parc éolien de fabrication chinoise prévu en Mer du Nord soulève des risques en matière de sécurité, notamment d'espionnage, jugés "très sérieux", a affirmé lundi le gouvernement allemand."
Jean Louis Remouit (FED) avait déjà dénoncé le risque en 2021 et récemment les Suédois ont annulé des projets en mer pour la même raison.
La France serait-elle à l'abri de ce risque?
Un institut de défense alerte sur les risques d'un projet de parc éolien chinois en mer du Nord
Connaissance des énergies le 03 mars 2025
Un parc éolien de fabrication chinoise prévu en Mer du Nord soulève des risques en matière de sécurité, notamment d'espionnage, jugés "très sérieux", a affirmé lundi le gouvernement allemand.
« Il ne s'agit pas d'un simple projet économique »
L'Institut de défense et de stratégie (GIDS), affilié à l'armée allemande, estime que les 16 éoliennes prévues près de Borkum présentent des risques allant de l'influence politique, l'espionnage via des capteurs, l'accès aux protocoles de sécurité des infrastructures critiques jusqu'à la perturbation de l'approvisionnement énergétique, selon une évaluation publiée dans la presse allemande.
"Nous prenons cette question très au sérieux", a déclaré Luisa-Maria Spoo, porte-parole du ministère de l'Économie, lors d'une conférence de presse. Les experts de la GIDS recommandent in fine d'"empêcher" l'utilisation des éoliennes chinoises pour ce projet en Mer du Nord, selon leur étude, tandis qu'une décision n'a pas encore été prise pour autoriser la livraison des turbines chinoises.
La discussion sur ce chantier montre "qu'il ne s'agit pas d'un simple projet économique", car il s'agit d'"infrastructures critiques" qui pourraient engendrer "de nouveaux scénarios de menaces qu'il faut toujours prendre en compte", a renchéri Steffen Hebestreit, porte-parole du gouvernement, lors de ce point presse.
"Il doit être possible de vérifier et, en cas de doute, d'interdire les composants critiques, que ce soit dans les installations de production d'énergie comme les parcs éoliens ou dans les réseaux électriques, afin de réduire les risques de sécurité et d'éviter les dépendances", a déclaré le ministère de l'Intérieur cité par le quotidien Handelsblatt.
Des prix et des délais de livraison compétitifs
Le gouvernement chinois rejette systématiquement ces préoccupations. Selon le ministère des Affaires étrangères chinois, il n'existe "aucune preuve" que les entreprises chinoises mettent en danger la sécurité nationale des pays européens, a rapporté ce week-end le quotidien économique Handelsblatt.
Des fabricants chinois comme Mingyang pénètrent le marché des éoliennes en offrant des prix et des délais de livraison compétitifs, exerçant une pression croissante sur les fabricants européens.
L'Allemagne a interdit en juillet dernier les technologies et composants des groupes chinois Huawei et ZTE dans ses réseaux 5G pour des raisons de "sécurité", après des avertissements concernant le risque d'espionnage et de sabotage.
Une première approche sur la réglementation radar /éoliennes à venir
RUBRIQUE « VITE VU » Green Univers le 3/03/25
· Trois sujets sont prioritaires dans l’ordre du jour du groupe de travail géothermie du Contrat stratégique de filière "nouveaux systèmes énergétiques" : la formation des porteurs de projets et des foreurs ; les freins chez les assureurs et, pour la géothermie profonde, la connaissance du sous-sol près de Bordeaux, Toulouse et dans le Nord et l’Est de la France.
· Deux seuils s’esquissent dans les négociations entre promoteurs éoliens et l’Etat autour des radars militaires. Les éoliennes pourraient être autorisées par principe au-delà de 70 km du radar si elles mesurent moins de 200 mètres de hauteur en bout de pale. Au-delà de 100 km, la hauteur pourrait atteindre 250 mètres. Pour tout le reste, hors le rayon d’interdiction de 5 km, ce serait une évaluation au cas par cas.
Difficile de défendre le Pacte Vert et un réarmement important de l'Europe!..Les énergies thermiques sont inhérentes à l'industrie de guerre
Le réarmement européen est-il compatible avec le pacte vert?
par La rédaction
L’augmentation annoncée des investissements de l’Europe dans sa défense et ses capacités militaires nécessite le développement rapide de filières industrielles et de chaînes d’approvisionnements. Cela se heurte aux politiques de transition énergétique et notamment au nouveau pacte vert (Green Deal) de la Commission européenne qui a un impact considérable sur le financement de l’industrie de l’armement et sur des productions aussi essentielles que l’acier, l’aluminium, la construction navale, le raffinage pétrolier ou certaines filières chimiques.
A peine un mois après son arrivée au pouvoir, la nouvelle administration Trump a provoqué une onde de choc sans précédent en Europe. Le vieux continent a soudain réalisé qu’il va lui falloir compter sur ses propres ressources et ses propres moyens pour assurer à l’avenir sa sécurité et sa défense et faire face à la menace russe. Pouvoir compter sur le parapluie américain a été un luxe que les pays européens n’ont pas toujours mesuré à sa juste valeur. Selon une étude publiée l’année dernière par le Center of Economic Studies et le IFO Institute, depuis la disparition de l’URSS, les « dividendes de la paix » ont représenté pas moins de 1.800 milliards d’euros économisés par les pays européens.
Mais il va leur falloir maintenant et dans l’urgence se doter de capacités militaires leur permettant de se défendre seuls et de faire face à un conflit conventionnel de haute intensité. Cela devrait se traduire par une augmentation importante et rapide des dépenses de défense dans toute l’Europe, y compris le Royaume-Uni. Les pays de l’Union Européenne (UE) cherchent aujourd’hui à se doter de moyens financiers permettant d’investir collectivement 200 à 300 milliards de dollars supplémentaires dans leurs capacités militaires au cours des prochaines années. Les pays européens ayant une armée digne de ce nom, la France, le Royaume-Uni, la Pologne et dans une moindre mesure l’Allemagne envisagent de porter leurs budgets de défense à 3% voire même 5% de leur PIB.
Passer de l’Etat providence au réarmement
Dans l’hypothèse où le financement de cet effort inédit depuis plus d’un demi-siècle serait assuré, le développement de nouvelles capacités industrielles et chaînes d’approvisionnement s’annonce particulièrement compliqué.
Allouer des fonds au réarmement est une chose, construire une économie de guerre en est une autre. Comme l’a récemment montré dans une étude le World Economic Forum, les économies européennes ont été façonnées depuis des décennies pour apporter avant tout à leur population une protection sociale de plus en plus large et généreuse. Elles consacrent ainsi en moyenne 1,9% de leurs PIB à la défense et plus de 25% au financement de cet Etat providence. « Nous devrons maintenant donner la priorité à la défense plutôt qu’à d’autres choses », a récemment prévenu le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, ancien Premier ministre des Pays-Bas.
De l’essence, du fioul et du kérosène
Pour changer de priorités, une refonte complète des industries de défense et du secteur manufacturier en général est nécessaire, de même qu’une réévaluation totale de la politique de sécurité énergétique de l’Europe et de sécurité de ses approvisionnements stratégiques.
De façon plus concrète et dans un avenir prévisible, les armées ont besoin pour fonctionner d’hydrocarbures en grande quantité dont la sécurité d’approvisionnement est assurée. Les chars, les avions et les navires fonctionnent avec de grandes quantités d’essence, de fioul et de kérosène. Et des avions de chasse, des chars de combat et des frégates fonctionnant avec des moteurs électriques et de l’hydrogène, ce n’est pas pour demain, ni même pour après-demain. Un rapport récent du Centre néerlandais pour la politique énergétique internationale (CIEP) met ainsi en garde contre la faiblesse et la fragilité des raffineries pétrolières européennes. Elles sont insuffisantes en termes de capacités et mal protégées contre des attentats et des attaques. Le CIEP souligne aussi la nécessité de sécuriser des stocks stratégiques de pétrole et de carburants raffinés pour faire face à un conflit qui, par exemple, perturberait les transports de tankers depuis le Moyen-Orient.
Le Pacte vert est devenu un obstacle
De façon plus générale, les objectifs très ambitieux et même irréalistes de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de baisse de la consommation de combustibles fossiles du Pacte vert européen cher à la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, sont dans l’immédiat des obstacles à la relance d’une industrie de défense et à la mise en place d’une économie de guerre. Il va falloir et vite faire des choix. Car il est impossible à la fois d’investir lourdement pour décarboner la production d’acier, d’aluminium, de produits chimiques et la construction navale et d’augmenter rapidement les capacités de production.
Le Pacte vert était déjà considéré comme problématique même avant la crise sécuritaire qu’affronte l’Europe. Les objectifs fixés par le pacte vert, constitué de milliers de pages de normes, de réglementations et de recommandations concoctées par une armée de technocrates, sont non seulement inatteignables mais il est considéré comme un danger pour l’économie et la prospérité de l’Union Européenne et de ses citoyens. C’est exactement de qu’écrit le Rapport Draghi, publié en septembre dernier et aussitôt enterré.
Sécurité d’approvisionnement en matières premières et composants
Et il se pose aussi le problème aigu de la sécurité d’approvisionnement en matières premières (métaux, énergie) et composants (électroniques notamment) dont dépendent les industries de défense. L’Europe ne peut pas assurer sa défense si elle reste dépendante de composants et d’approvisionnements essentiels pour faire fonctionner ses armées et ses industries de défense venant des États-Unis bien sûr, mais aussi de Corée du Sud, d’Israël, de Chine, de Turquie…
Enfin, il faudra comme le souligne un rapport du Think Tank Bruegel que les grands groupes industriels européen de la défense, les BAE Systems, Leonardo, Thales, Dassault Aviation, Rolls Royce, Rheinmetall, Naval Group, Safran… bénéficient d’aides pour se développer plus rapidement et aussi et surtout de dérogations pour échapper aux multitudes de normes, de règlements et de contraintes qui ont tant affaibli l’industrie européenne.
Anne de Coninck
Le problème de la disponibilité des métaux pour la transition énergétique n'est pas nouveau
depuis le livre de G Pitron "la guerre des métaux rares" en 2018, mais les investissements nécessaires représentent aussi un mur.
Le mur des métaux « critiques »
par La rédaction
Pour atteindre les objectifs climatiques que se sont fixés les institutions internationales et bon nombre de gouvernements, il faudra multiplier dans les prochaines années la construction d’équipements nécessitant des quantités considérables de cuivre, de lithium, de nickel, de cobalt, de terres rares… En l’état actuel des choses, nous sommes incapables de les sortir de terre. On comprend mieux pourquoi Donald Trump a l'ambition de mettre la main sur les ressources de l'Ukraine et du Groenland. Par Gilles Pouzin. Article publié dans le numéro 23 du magazine Transitions & Energies.
Va-t-on manquer de métaux dits « critiques » pour la transition énergétique et à cause d’elle ? C’est une question récurrente dans la course contre le réchauffement climatique. Pour fabriquer les équipements requis par les objectifs de réduction des gaz à effets de serre, le monde aurait besoin de 3 milliards de tonnes de métaux entre 2024 et 2050, estime l’agence d’information Bloomberg New Energy Finance (NEF). Si l’on accélérait la transition, pour atteindre la neutralité carbone « net zéro » au milieu du siècle, il faudrait même 6 milliards de tonnes de métaux sur cette période, a calculé Bloomberg NEF.
« La chaîne d’approvisionnement pour les batteries, les éoliennes, les panneaux solaires, les moteurs électriques, les lignes à haute tension, la 5G, tout ce qui est nécessaire à une économie verte, commence par les métaux et les mines », prévenaient déjà les analystes du courtier Cantor Fitzgerald, il y a quatre ans, début 2021, dans une étude sur les « métaux verts » intitulée « Green Metals Macro ».
Compte tenu des besoins de la transition énergétique prévus pour limiter le réchauffement des températures mondiales à 2 °C d’ici à 2050 (le cap de +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle étant dépassé en 2024), les métaux utilisés à cet horizon pourraient représenter 60 à 90 % des réserves connues en cuivre, 30 % des réserves de lithium, 60 % des réserves de nickel ou encore 80 % des réserves de cobalt, prévenait l’Institut français du pétrole énergies nouvelles (IFPEN), il y a trois ans.
Dans les trente prochaines années, nous devrons extraire autant de minerais de métaux que l’humanité en a extrait depuis 70 000 ans, résume notre confrère Guillaume Pitron dans son livre La Guerre des métaux rares, face cachée de la transition énergétique et numérique, best-seller vendu à plus de 100 000 exemplaires, réédité et actualisé dans une douzaine de langues.
Constat sans appel
« Il pourrait y avoir une pénurie s’il n’y a pas d’investissements suffisants dans l’exploration et le développement minier », alertait encore cet automne la société de conseil Ernst & Young (EY), en commentant son enquête annuelle sur les risques et les opportunités du secteur minier.
Pour la première fois en 2024, l’épuisement des réserves et des ressources figure parmi les 10 principaux risques évoqués par les 353 décideurs de sociétés minières de plus de 1 milliard de chiffre d’affaires, sondés par EY l’été dernier.
« Pour atteindre l’objectif net zéro nous aurons besoin d’au moins 41 millions de tonnes de cuivre par an d’ici 2050 », surenchérit EY, en commentaire de son étude annuelle sur les risques et opportunités du secteur minier.
C’est bien plus que la consommation actuelle de cuivre, estimée à 25,9 millions de tonnes (Mt) en 2023, dont 17 % provenant déjà du recyclage, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
L’an dernier, la consommation de cuivre destinée à la transition énergétique représentait 6,3 Mt, soit un petit quart (24,4 %) de la demande mondiale, tandis que les usages traditionnels (moitié pour la construction, moitié pour l’industrie) en accaparaient les trois quarts (19,5 Mt). Ces usages traditionnels plafonneraient, pour atteindre tout juste 20 Mt en 2040. Tandis que les besoins pour les équipements de transition énergétique seraient multipliés par 2,5, à 16,3 Mt en 2040, estime l’AIE, soit 45 % d’une demande mondiale atteignant 36,4 Mt.
2.100 milliards de dollars d’investissements d’ici 2050
Le constat est sans appel. En l’état actuel, les réserves et la production ne suffiraient pas. Pour satisfaire les besoins prévus en 2050, « il faudrait mettre en service 40 mines de la taille du site Quellaveco d’Anglo American au Pérou, produisant 300 000 tonnes par an. Mais nous ne voyons pas de forte croissance des dépenses d’exploration, ce qui accroît le risque d’épuisement des ressources », prévient EY.
À titre de comparaison, seuls 14 nouveaux gisements de cuivre significatifs ont été découverts au cours de la dernière décennie (2014-2023), contre 75 durant la décennie précédente (2004-2013). Et il ne s’agit que des découvertes, sans compter les coûts et les délais supplémentaires entre une découverte de gisement et l’inauguration d’une mine réellement opérationnelle.
En résumé, pour subvenir à la demande anticipée, il faudrait investir à toutes les étapes : exploration, extraction, production et raffinage. « L’industrie minière a besoin de 2 100 milliards de dollars de nouveaux investissements pour atteindre l’objectif zéro carbone d’ici 2050 », titrait récemment l’agence financière Reuters.
Mais qui veut, ou seulement peut, investir dans des mines hyper-polluantes, dont les coûts explosent et les rendements diminuent ? Pour de nombreux financeurs traditionnels, prêteurs ou pourvoyeurs de fonds propres, le secteur minier est tout bonnement exclu des activités autorisées par leurs engagements environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
Une contradiction insurmontable entre le court et le long terme
Et même sans les contraintes ESG liées à l’investissement socialement responsable (ISR), le secteur minier partage les difficultés de financement et de projection à long terme pesant sur tous les secteurs cycliques des matières premières, jusqu’aux semi-conducteurs, considérés comme une nouvelle commodity du monde moderne, tant ils sont utilisés partout.
Le problème de ces matières premières est que leurs prix fluctuent fortement à court terme, en fonction de la demande. Tandis que l’offre, dépendante des capacités de production, requiert des investissements coûteux à très long terme.
Le délai moyen d’entrée en exploitation de nouveaux gisements s’allonge. Alors qu’il avait fallu treize ans de délai moyen, entre la découverte et l’extraction opérationnelle, pour les mines inaugurées il y a quinze ans, ce délai de mise en service est passé à dix-huit ans pour les mines inaugurées depuis 2020, d’après S&P Global Market Intelligence. Et parfois plus : il faut vingt-neuf ans entre la découverte et l’ouverture d’une mine aux États-Unis, selon cette même source.
Résultat, on assiste généralement au cycle suivant : 1/ la demande augmente plus vite que l’offre, faisant grimper les prix ; 2/ les prix élevés améliorent les marges des producteurs, attirant des concurrents et des investisseurs ; 3/ la perspective de rentabilité permet de financer l’augmentation des capacités de production ; 4/ l’offre augmente plus vite que la demande, faisant rebaisser les prix ; 5/ la baisse des prix dissuade les producteurs et les investisseurs d’accroître les capacités ; le cycle revient alors au stade 1/.
Sauf que la demande et l’offre fluctuent en réalité bien moins que les cours. Ces derniers reflètent davantage les espoirs et les peurs gouvernant les marchés à très court terme, selon les anticipations girouettes des traders, au gré des annonces et statistiques économiques quotidiennes.
Équilibre économique incertain
Le cuivre offre une illustration typique de ces cycles. Depuis quinze ans, son cours a connu des écarts allant du simple au triple, passant de 3,2 $/kg en moyenne en janvier 2009, après la crise des subprimes, à 9,9 $/kg au printemps 2011 avec la relance, rebaissant à 4,4 $/kg en novembre 2015 et mai 2016, pour rebondir à 7,3 $/kg en décembre 2017, avant un trou d’air à 4,9 $/kg pendant le Covid en mars 2020, puis dopé par la transition énergétique autour de 10,5 $/kg en mai 2021 et mars 2022, mais affaibli par l’inflation à 7,3 $/kg en octobre 2022, pour rebondir à 10 $/kg en mai 2024, avec un record à 11,2 $/kg le 21 mai, avant un repli à 8,8 $/kg mi-novembre. Comment construire une stratégie d’investissement dans ces conditions ?
D’autant plus que les contraintes et les incertitudes liées à la transition exacerbent encore la cyclicité inhérente aux matières premières, et la pression sur les éventuels projets miniers. Le coût estimé pour découvrir de nouveaux gisements de cuivre aurait ainsi bondi de 91 $/tonne en 2011, à 802 $/tonne en 2020, selon S&P Global Market Intelligence cité par EY. Difficile dans ces conditions de convaincre les groupes miniers et leurs actionnaires de financer de nouvelles mines, à l’équilibre économique très incertain.
Et encore, le cuivre est moins dépendant des aléas de la transition énergétique, car il bénéficie d’une demande pérenne pour la construction et l’industrie par rapport à d’autres métaux.
Prenons le lithium, essentiel à la fabrication des batteries li-ion, notamment pour les véhicules électriques (EV). Entre les annonces de green deals pour développer les infrastructures d’énergies renouvelables et l’engouement pour les voitures électriques, son cours avait décuplé, passant d’à peine 8 $/kg fin 2020, à 78 $/kg en mars 2022, jusqu’au record de 84,5 $/kg mi-novembre 2022. Les industriels des batteries se l’arrachaient, stockant tout ce qu’ils pouvaient. Surtout les Chinois.
Mais il a suffi que l’augmentation des ventes de voitures électriques ralentisse en 2023 pour que les Chinois déstockent massivement, faisant replonger le cours du lithium à 13,5 $/kg fin 2023, et à peine plus de 10 $/kg depuis septembre 2024. Avec un cours multiplié par 10 en deux ans, puis divisé par 8 aussi vite, financer une mine dans ce secteur semble un pari bien hasardeux. Albermarle, un groupe chimique américain parmi les premiers producteurs mondiaux de lithium, a ainsi réduit ses investissements d’un quart en 2024, par rapport à 2023, à 1,6 milliard de dollars. D’autres préfèrent fusionner pour unir leurs forces. L’australien Sayona Mining vient ainsi d’annoncer le rachat de l’américain Piedmont Lithium, pour créer le leader du lithium rocheux en Amérique du Nord.
L’ajustement se fait surtout par les prix
Aux aléas du cycle long des investissements, par rapport aux fluctuations rapides des marchés, s’ajoutent en effet des risques supplémentaires, spécifiques aux enjeux économiques et sociétaux de la transition : son financement, ses réglementations, ses inconnues technologiques, ses innovations et changements d’horizon ou de paradigme, au gré des découvertes ou des retournements politiques. Et géopolitiques.
Si l’équation d’une demande future de métaux, dépassant le renouvellement des capacités minières, jusqu’à épuiser les réserves projetées, peut se résumer par la perspective d’une pénurie, c’est rarement le cas dans la vraie vie. D’abord, parce qu’on découvre encore plus de gisements qu’on en épuise. Tandis que la consommation mondiale de cuivre est passée de 21 Mt en 2013 à 26 en 2023, les réserves des gisements existants et découverts ont continué à augmenter, passant de 690 Mt en 2013 à 1 milliard de tonnes en 2023.
Ensuite, parce que les usages évoluent, à la fois au gré de la conjoncture et des cours, mais aussi avec les innovations. Dans le bâtiment, les tuyaux en plomb ont été remplacés par ceux en cuivre. Aujourd’hui, les batteries dépendent du lithium et du cobalt, mais les chercheurs se sont lancés dans une course aux solutions alternatives de batteries sans métaux. En attendant, l’aluminium s’est déjà substitué au cuivre pour les lignes à haute tension et dans certains prototypes de piles prometteurs.
Mais l’aluminium est aussi sous pression avec la transition énergétique, à la fois très demandé et cible de pénalités carbone du fait de sa production énergivore. Son cours avait d’ailleurs bondi jusqu’à 3,8 $/kg fin février 2022, porté par la flambée des métaux verts, mais il reste bien moins volatil que le cuivre, et surtout 3,4 fois moins cher, étant redescendu autour de 2,6 $/kg depuis le printemps dernier.
Enfin, l’idée de pénurie est une menace assez coutumière dans le commerce des matières premières. « Y en n’a plus, phénomène mondial ! », s’exclamait un Gérard Depardieu lyrique en 1978 dans Le sucre, film culte sur un véritable épisode spéculatif, ayant alimenté une rumeur de pénurie de sucre en France il y a cinquante ans, en 1974. La menace d’une fin du pétrole fut aussi brandie en 2008, quand l’or noir a dépassé pour la première fois le cap de 100 $ par baril, flambant jusqu’à 145 $ le 14 juillet.
Seize ans après la peur de manquer de pétrole, le monde en consomme toujours plus, les énergies renouvelables ne comblant qu’une partie de notre boulimie d’énergie. Et ce, malgré le sous-investissement persistant dans les énergies fossiles, au regard des besoins prédits, qui n’ont pas empêché les prix de retomber. Comme pour d’autres pénuries annoncées, celle des métaux relève moins d’une réalité inéluctable que d’un désarroi des marchés. Certes, il faudrait plus de mines et plus de métaux pour réaliser la transition énergétique au rythme annoncé. Mais en pratique, la flambée des prix ralentit, reporte ou disqualifie simplement des pans entiers de la décarbonation promise.
Un rapport explosif de l' Inspecteur Général pour la Sûreté Nucléaire et la Radioprotection (IGSNR) dénonce
les risques engendrés par la priorité des EnRI sur le réseau déstabilisation usure...

Par Fabien Bouglé expert en politique énergétique, auteur de Guerre de l’Énergie, Edition du Rocher,
mention d’honneur prix Turgot 2024.
C’est la publication début février 2024 par EDF d’un discret rapport de son Inspecteur Général pour la Sûreté Nucléaire et la Radioprotection (IGSNR) qui a mis le feu aux poudres et qui enflamme les réseaux sociaux. https://igsnr.com/wp-content/uploads/2025/02/Rapport-IGSNR-2024.pdf
Rédigé et publié par l’Amiral (2S) Jean Casabianca, ce rapport dénonce les risques techniques et économiques pour EDF de la complémentarité entre le nucléaire et les énergies intermittentes comme les éoliennes ou les panneaux solaires. Il précise page 13 :
« L’arrivée massive de nouvelles sources d’électricité renouvelables (EnR), à la fois intermittentes et prioritaires sur le réseau, a multiplié les variations de charge.
Elles ne sont pas sans risque sur la sûreté du système électrique (dont le black-out) ni sans contrainte sur le fonctionnement de nos installations. À long terme, elles remettent en cause le modèle économique. (…)
De souplesse de fonctionnement, la modulation s’est transformée en contrainte, le nucléaire devant faire face à la demande, seul ou avec l’hydraulique, sauf à se résoudre à employer des moyens thermiques et carbonés.
En outre, le suivi de charge a forcément un impact sur la machine, plus fréquemment sollicitée par des cyclages profonds. L’augmentation des fortuits n’est pas flagrante mais c’est dans la durée que les effets seront appréciés.
J’estime que la priorité donnée aux EnR, dans une complémentarité unilatérale nucléaire-EnR, conduit à des variations de puissance dont il serait d’autant plus opportun de se dispenser qu’elles ne sont jamais anodines sur la sûreté, notamment la maîtrise de la réactivité, et sur la maintenabilité, la longévité et le coût d’exploitation de nos installations. »
Mauvais vent pour les lobbystes de l’éolien
Le passage de ce rapport d’Edf a une portée de la plus grande importance car il remet clairement en cause ce qui est vendu depuis des années par les lobbystes des éoliennes à savoir la complémentarité nucléaire – énergies intermittentes (éoliennes panneaux solaires) traduction technique du « en même temps » énergétique du Président Emmanuel Macron.
En effet la commission d’enquête sur les énergies renouvelable dirigé en 2019 par Julien Aubert avait largement remis en question le fait que les éoliennes avaient une utilité pour la décarbonation. A l’époque Jean François Carenco Président de la Commission de régulation de l’Energie s’était exprimé à ce sujet :
« Il ne faut pas s’y tromper : grâce au mix énergétique décarboné, composé principalement de nucléaire et d’hydroélectrique, nous bénéficions déjà de faibles émissions de CO2 et d’un prix de l’électricité maîtrisé. Vous le savez, nous émettons six fois moins de CO2 que nos voisins allemands (…). Le développement des énergies renouvelables (EnR) électriques ne sert donc pas à réduire les émissions de CO2. Il faut le rappeler, car on dit beaucoup de mensonges à ce sujet, et encore récemment à la télévision. Cela n’a aucun sens et procède d’une forme de populisme idéologique »
A l’issue de ce rapport de l’Assemblée nationale et de la relance du nucléaire amorcé par Emmanuel Macron en octobre 2021 lors du plan d’investissement 2030, puis à Belfort en février 2022, les exploitants éoliennes devaient revoir leurs éléments de langages commerciaux pour justifier les installations. Désormais les éoliennes allaient servir non plus pour la décarbonation mais pour compenser le retard pris dans la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Il fallait donc un mix électrique basé sur le nucléaire complété avec des éoliennes ou des panneaux solaires en attendant la construction des nouveaux réacteurs.
Narratif contre réalité
Le narratif de certains de la filière nucléaire alliés à la filière éolienne allait donc promouvoir le complément nucléaire-éolienne comme l’avenir radieux d’un mix électrique décarboné français. C’était sans compter que la réalité de la science et des faits l’emporte toujours sur l’idéologie.
Face à cette nouvelle propagande de nombreux spécialistes s’inquiétaient des dangers de moduler le nucléaire avec les énergies intermittentes au moment où le vent ne souffle pas et où le soleil ne brille pas. Beaucoup d’ingénieurs alertaient sur les risques que couraient nos centrales nucléaires à adapter leur production en fonction de l’activité des énergies intermittentes du fait de la priorité de réseau dont elles bénéficient dans le marché européen de l’électricité.
Le 1 er décembre dernier avec d’anciens dirigeants de la filière énergétique nous avons alerté le premier Ministre dans une tribune choc sur le danger d’une politique énergétique du « en même temps » nucléaire énergie intermittente qui déstabilisait notre économie tout entière. Parmi ces alertes nous avions dénoncé :
« L’illusion répandue par les rapports officiels de RTE que les énergies renouvelables intermittentes et l’énergie nucléaire seraient complémentaires »
Ce texte devait inspirer une autre tribune publiée le 13 janvier 2025 dans le Point par 80 parlementaires qui demandaient justement une pause dans cette politique des énergies intermittentes en France.
https://www.lepoint.fr/politique/politique-energetique-de-la-france-une-pause-s-impose-13-01 -2025-2579792_20.php
La prise de conscience des responsables
En ce début d’année 2025, ce mouvement de fonds exprimé par d’anciens dirigeants d’entreprises énergétiques et des parlementaires a suscité une véritable panique de la filière éolienne au point que leur lobbyste ont fini par publier une tribune désespérée dans le Monde le 30 janvier 2025 titré « Il est temps de remiser l’opposition entre nucléaire et renouvelables … » militant à nouveau sur la nécessité de ce complément nucléaire-éolienne.
Finalement début février 2025, ce rapport de l’Inspecteur Général pour la Sûreté Nucléaire et la Radioprotection, amiral et ancien de l’école naval, venait mettre un terme à ce débat de la plus haute importance en soulignant les dangers pour l’économie du nucléaire et pour la fiabilité technique des centrales nucléaire française de les mixer avec des énergies intermittentes.
Dans cette guerre mondiale de l’énergie qui s’exprime en France par ce lobbying pro éolien et pro photovoltaïque contraire aux intérêts énergétiques de la France, ce discret rapport met un véritable coup de grâce à la politique des énergies intermittente en France. Même si les acteurs de l’énergie ou de la vie politique n’ont pas encore parfaitement mesuré la portée de ce rapport technique historique, il est incontestable que ce dernier fera date et ne pourra absolument pas être enterré ou minimisé par le PDG d’EDF Luc Rémont.
Le réchauffement climatique aurait un impact non négligeable et négatif sur les régimes de vent en Europe.
Ce sont des scientifiques américains qui le disent et l'Europe serait particulièrement affectée. Les performances de 2024 sont en baisse en France : Malgré une augmentation de la puissance installée en 2024 (+ 7,1%) la production a baissé de 8,4%.
Le réchauffement climatique réduit les vents… en Europe
par La rédaction TRANSITIONS ET ENERGIES
Le réchauffement climatique crée des problèmes inattendus pour la transition énergétique qui est censée le combattre. Il aurait, selon une étude récente d’une équipe de chercheurs de l'université de l'Illinois Urbana-Champaign, un impact non négligeable et négatif sur les régimes de vent en Europe.
Depuis l’automne dernier, le nord de l’Europe et surtout l’Allemagne connaissent des épisodes climatiques qualifiés de « Dunkeflaute » (calme plat). Ils se sont traduits par des envolées des prix de l’électricité en Allemagne et en Europe en raison de la chute brutale de production des éoliennes. En novembre, le prix horaire de l’électricité en Allemagne a même atteint lors des heures de pointe plus de 800 euros par mégawattheure (MWh). Le prix horaire le plus élevé depuis la crise énergétique de 2022.
Il s’agit d’un phénomène persistant depuis octobre. Encore le 15 janvier, comme l’écrit l’agence Bloomberg, la production des éoliennes allemandes était à peine de 20% de la normale et le pays a été contraint de massivement importer… de l’électricité nucléaire française.
Le Royaume-Uni aussi a connu l’une des périodes les moins venteuses des 60 dernières années, ce qui a entraîné une forte baisse de la production électrique éolienne. Le pays a même été contraint de redémarrer deux centrales au charbon qui devaient être fermées définitivement.
Evolution météorologique durable
Le problème est qu’il pourrait s’agir de phénomènes météorologiques durables, c’est-à-dire climatiques, rendant systématiquement les hivers et plus encore les étés européens moins venteux. Cela affecterait le potentiel de production d’électricité éolienne, terrestre et marine, et pèserait sur l’ensemble du système électrique européen dont l’équilibre dépend de plus en plus des productions renouvelables intermittentes.
Ainsi l’an dernier, l’éolien a représenté 17% de la production électrique des pays de l’Union Européenne. Et les capacités de production devraient continuer à augmenter en dépit du fait que de nombreux projets sont retardés car la rentabilité n’est plus au rendez-vous.
Selon la modélisation d’une équipe de chercheurs de l’université de l’Illinois Urbana-Champaign citée par l’agence Bloomberg, le réchauffement de la couche de l’atmosphère la plus proche de la surface du globe et le réchauffement même des terres et des océans augmentent un phénomène météorologique baptisé « stilling » (immobilisation) qui conduit à une baisse de la vitesse des vents notamment pendant les étés.
« Le système énergétique est un système marginal… »
Même de faibles réductions de la vitesse des vents ont un impact significatif sur la production d’énergie éolienne, explique Gan Zhang, climatologue et professeur à l’université de l’Illinois Urbana-Champaign. « Le système énergétique est un système marginal », souligne Gan Zhang. « Cela signifie que si l’on modifie la marge de 5 à 10%, l’impact sur les prix peut être considérable ».
Pour van Føre Svegaarden, dont l’entreprise norvégienne TradeWpower AS fournit des conseils météorologiques et climatiques aux négociants en énergie, la production européenne d’énergie éolienne présente déjà les signes d’un ralentissement climatologique. « Les hautes pressions dominantes sont plus fréquentes, elles apparaissent plus souvent et durent plus longtemps », affirme-t-il.
L’ensemble de l’hémisphère nord est affecté, mais l’Europe plus particulièrement
Une diminution de la vitesse des vents a aussi été observée dans d’autres régions de l’hémisphère nord, plus particulièrement aux latitudes moyennes de l’Amérique du Nord. Mais c’est l’Europe qui est le plus affectée, notamment au cours des derniers mois. Au point que des températures hivernales plus froides qu’au cours des années précédentes et de nombreuses journées sans vent ont considérablement réduit les réserves de gaz. Elles étaient remplies en moyenne dans les pays de l’UE (Union Européenne) à la date du 14 février, selon les données de la plateforme Aggregated Gas Storage Inventory, à 45%. Un niveau très inférieur aux 66% à la même date un an auparavant.
L'éolien terrestre en Allemagne subit aussi un recul significatif: puissance installée + 4,26%, mais production _ 2,1%
Un article un peu long mais très intéressant pour comprendre le fonctionnement des marchés de l'énergie (F Bouglé, D Ernst)
Cette guerre de l’énergie qui nous menace avant toute autre
Vous avez aimé l’inflation de 2022/23, vous allez adorer celle qui vient.
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Atlantico : Les stocks d’énergie sont très bas en Europe à l’heure actuelle. À quel point, les pays de l’UE continuent-ils à être dépendants de l’énergie russe, que ce soit en important du gaz, du pétrole russe, ou en passant — notamment — par des pays tiers ou des plateformes de raffinage où l’origine réelle du pétrole n’est pas affichée ? Si les pays de l’UE devaient renoncer au pétrole et au GNL russes, en quoi cela pourrait-il nuire à l’industrie européenne au point de nous contraindre à des réorientations de choix qui seraient extrêmement coûteuses ?
Fabien Bouglé : Il faut comprendre deux éléments fondamentaux. D'abord, les États-Unis sont autonomes énergétiquement depuis 2019. Cela signifie qu'ils exportent leur surplus depuis cette date et n'ont plus besoin d'importer pour satisfaire leur consommation d'énergie. De leur côté, les Russes sont autonomes énergétiquement depuis longtemps, disposant sur leur territoire des ressources nécessaires à leur consommation, avec une production largement excédentaire leur permettant d'exporter. L'Union européenne, selon les chiffres d'Eurostat, dépend à 58 % des importations pour sa consommation d'énergie. Cela témoigne d’un aveu de faiblesse énergétique pour l’Europe. Les pays membres de l'Union européenne doivent importer des quantités importantes d'énergie. Certains pays, comme l'Espagne, le Portugal et l'Allemagne, dépendent à plus de 65 % des importations pour leur consommation d’énergie tandis que la Belgique, la Grèce et l'Italie dépassent les 75 %. Selon les derniers chiffres d'Eurostat, la France dépend à 44 % de ses importations pour sa consommation d’énergie. Grâce à son parc électronucléaire, la France est l'un des pays les moins dépendants énergétiquement au sein de l'Union européenne.
Dans ce contexte, l'Union européenne est en situation de grande fragilité énergétique. Les flux énergétiques dépendent des systèmes d'approvisionnement. Le nucléaire est une ressource principalement intra-européenne, car l'électricité circule au sein du marché européen. Toutefois, l'UE reste globalement dépendante des importations, notamment du gaz russe, qatari, des champs de la mer du Nord et, depuis la guerre en Ukraine, du gaz naturel liquéfié américain.
Cependant, il n'y a pas eu de modification majeure des importations de gaz vers la France, mais plutôt une accélération. Contrairement à l'Allemagne, la France avait déjà mis en place des infrastructures de réception du gaz naturel liquéfié. Ces terminaux de réception permettent à la France d'importer du GNL russe et de le redistribuer vers l'Allemagne. Le gazoduc qui, auparavant, acheminait le gaz de l'Allemagne vers la France fonctionne désormais en sens inverse. La France importe ainsi une quantité importante de GNL, car les voies historiques d'approvisionnement par gazoduc ont été coupées. Nord Stream a été saboté, Yamal est fermé, et les gazoducs Soyouz et Brotherhood, qui transitent par l'Ukraine, sont inactifs depuis décembre 2024. Il ne reste donc plus que l’option d’acheter du gaz naturel liquéfié russe ou américain.
Damien Ernst : On parle depuis plusieurs années déjà des sanctions envers la Russie, dont l’économie est basée sur l’export de commodités. Les chiffres sont assez clairs. Les sanctions contre la Russie n’ont affecté que son niveau d’exportation de gaz naturel. C’est principalement dû au fait que les volumes de gaz que l’on importait de Russie par gazoduc n’ont pas pu être envoyés physiquement vers d’autres marchés. Les Russes n’ont pas l’infrastructure en matière de gazoducs pour le faire et leur capacité d’exportation de gaz sous forme liquéfié (GNL) est saturée — on parle ici du gaz liquéfié qui serait transporté par bateau.
Si maintenant, on décidait de ne plus importer de gaz naturel sous forme liquéfiée de Russie, ce gaz trouverait à terme d’autres marchés en Asie. Ce serait aussi le cas pour le pétrole. Bien entendu, cela conduirait à des chaînes logistiques un peu plus longues et donc à des prix plus élevés. Mais je pense que les différences de prix ne seraient pas immenses. Les Russes ont jusqu’à présent fait preuve d’une grande créativité pour contourner les sanctions, avec la complicité de l’Asie, grande consommatrice de commodités, qui trouve toujours un moyen d’acheter des produits russes malgré les sanctions.
La France dispose de l’énergie nucléaire. Mais elle dépend aussi dans une certaine mesure du marché européen. Comment se porte-t-elle sur le marché de l’énergie ? La France pourra-t-elle bénéficier d’une énergie moins chère ? N’est-elle pas dépendante de ce qui se passe autour d’elle, notamment de la manière dont les prix sont fixés sur les marchés européens ?
Fabien Bouglé : C'est précisément l'un des enjeux majeurs de la guerre énergétique. En 2024, la France a atteint un record d'exportation d'électricité, avec environ 80 térawattheures vendus à ses voisins. Ce volume d’exportation a généré environ 5 milliards d’euros pour la balance commerciale. Cependant, ce chiffre doit être analysé avec précaution, car, dans le même temps, 70 % de cette électricité provenait d’énergies renouvelables subventionnées, notamment l’éolien et le solaire, pour un coût de plus de 6 milliards d’euros. Autrement dit, la France a exporté pour 5 milliards d’euros une électricité qu’elle avait subventionnée à hauteur de plus de 6 milliards. C’est une situation inefficace qui pénalise notre compétitivité. Tant que ces subventions aux énergies intermittentes se poursuivront, la France restera entravée sur le marché de l’électricité. Pourtant, notre pays a tout pour réussir : la France est le leader européen de l’électricité et, surtout, de l’électricité décarbonée.
Lorsqu’un térawattheure est exporté vers l'Allemagne, cela permet d'éviter l’équivalent en production de centrales à charbon, limitant ainsi la pollution. En ce sens, le nucléaire français joue un rôle clé dans la transition énergétique de l'Europe et permet à l'Allemagne de réduire sa dépendance au gaz et au charbon.
Cependant, sur le marché énergétique mondial, des obstacles sont systématiquement mis en place pour freiner la France dans son rôle de leader du nucléaire. Comment cela se manifeste-t-il ? En imposant à la France d’investir massivement dans des énergies intermittentes, comme l’éolien et le solaire, au détriment du nucléaire. Cela s'est encore vérifié récemment avec le plan industriel européen présenté par Ursula von der Leyen, qui a totalement occulté le rôle du nucléaire dans la réindustrialisation de l’Europe.
On observe ainsi une confrontation entre la France et l’Allemagne sur cette question. L’Allemagne bénéficie de l’électricité française, tout en cherchant à limiter l’influence du nucléaire en Europe.
Damien Ernst : Les ménages et les industriels français bénéficient pour l’instant d’une électricité à bas prix grâce au mécanisme de l’ARENH, l’accès régulé au nucléaire historique. Ce mécanisme va bientôt disparaître. L’UE n’en veut plus, car c’est une aide d’État déguisée. EDF n’en veut plus non plus, parce que ce mécanisme appauvrit la compagnie qui a besoin d’argent pour financer ses investissements dans le nucléaire. Imaginez la frustration pour EDF : avec l’ARENH, elle est obligée de vendre son électricité à 42 euros/MWh alors qu’elle pourrait le vendre à 100 euros/MWh sur les marchés de gros. Dès que ce dispositif de l’ARENH prendra fin, et vu la manière dont les prix sont fixés sur les marchés européens de l’électricité, je pense que les prix payés sur le marché français ne seront plus très différents de ceux payés par les Allemands. Je peux comprendre le mécontentement des consommateurs français à cet égard, car ils vont cesser de bénéficier d’une « rente » qui découle des bonnes décisions prises par la France en matière de politique énergétique. C’est frustrant par rapport aux consommateurs allemands dont le gouvernement a pris un chemin plus problématique. Et ce sera EDF qui captera cette rente.
En quoi des éventuelles tensions avec la Russie pourraient-elles générer une nouvelle vague d’inflation sur les prix de l’énergie comme après l’invasion de 2022 ? La situation ne risque-t-elle pas d’être d’autant plus difficile dans le contexte de la crise des tarifs douaniers et de la guerre commerciale ? Cela ne va-t-il pas provoquer un nouveau choc sur les prix ?
Fabien Bouglé : Le choc sur les prix de l’énergie ne provient pas uniquement de la Russie, mais plutôt d’une alliance stratégique entre les États-Unis et la Russie pour se partager le marché de l’énergie.
Le 14 février 2025, le président Trump a annoncé la création d’un Conseil national pour la domination énergétique. Selon la Maison-Blanche, son objectif est de faire des États-Unis le principal fournisseur mondial d’énergie. Cela signifie que la question énergétique ne se résume pas à un affrontement avec la Russie, mais aussi à une stratégie globale incluant les États-Unis.
Par ailleurs, un article des Échos a récemment révélé que des financiers américains étaient en pourparlers avec la Russie pour reconstruire et relancer les gazoducs Nord Stream 1 et 2. Cela illustre bien l’interconnexion des intérêts énergétiques entre ces grandes puissances.
Il faut bien comprendre que la volonté de Trump repose sur le principe "Drill, baby, drill", lié au forage. Le président des Etats-Unis cherche à dominer le marché du gaz américain tout en établissant un accord avec Poutine sur la distribution du gaz. Pourquoi ? Pour en faire monter les prix.
On observe d’ailleurs depuis un an une hausse significative des cours du gaz, qui avaient retrouvé des niveaux d’avant-guerre mais qui ont presque doublé récemment. Or, comme le marché européen de l'électricité est indexé sur l'unité de production la plus chère – en l’occurrence, le gaz –, ces tensions internationales sur le gaz entraîneront inévitablement des tensions intra-européennes sur le marché de l’électricité.
J’avais annoncé cette situation dans mes livres “Guerre de l'énergie” et “Nucléaire : les vérités cachées”. J’ai décrit ce phénomène depuis plusieurs années. En septembre 2021, au moment du choc gazier, j’avais déjà alerté sur la nécessité de relancer Fessenheim dans un article publié dans les colonnes du Figaro. Ce n’était pas un simple avertissement. J’expliquais déjà qu’il fallait relancer le nucléaire pour ne plus dépendre ni du gaz russe ni du gaz américain. Dès 2021, j’insistais sur l’urgence d’agir. Pourtant, quatre ans ont passé, et rien n’a changé. Cette situation est vraiment dramatique et témoigne du temps qui a été perdu. Cela fait maintenant quatre ans que j’alerte sur ces risques. L’alliance entre la Russie et les États-Unis dans le domaine énergétique nuira considérablement à l’Europe.
D’autant plus que la commissaire européenne, Ursula von der Leyen, encourage le développement des énergies intermittentes – éolien et solaire – qui nécessitent un couplage avec du gaz. Tant que des figures opposées au nucléaire dirigeront la Commission européenne, la situation restera catastrophique. Aujourd’hui, l’Europe se trouve dans une impasse énergétique, comparable à un Titanic énergétique. Non seulement la situation est mauvaise, mais elle ne fait qu’empirer.
Damien Ernst : Pour l’instant, et cela peut paraître surprenant, on voit surtout un effondrement du prix des commodités. Le gaz se rapproche des 40 euros/MWh, il était encore à plus de 55 euros/MWh il y a quelques semaines. Le pétrole est passé sous la barre des 70 $ le baril. Et le charbon est aux alentours de 100 dollars la tonne. À l’exception du gaz, ce sont des prix que l’on peut considérer comme fort bas. Je pense que c’est dû à deux phénomènes. Les traders estiment probablement que les actions de Trump vont provoquer une certaine décroissance économique au niveau international. Et donc, une consommation moindre de combustibles fossiles. Au niveau du gaz, la forte chute observée ces dernières semaines provient sans doute du fait que beaucoup de gens pensent que l’on va réimporter du gaz russe par gazoduc vers l’Europe dans les mois qui viennent. C’est une possibilité si un accord de paix est signé.
Selon Mediapart, en 2024, les importations de gaz naturel liquéfié en provenance de Russie ont augmenté de 81 % dans l’Hexagone, malgré une baisse de la demande. N’y a-t-il pas une erreur d’analyse dans ce dossier ? Cette énergie n’est-elle pas destinée en réalité à l’Allemagne qui manque de ports terminaux ?
Damien Ernst : Oui, il y a un manque d’analyse dans ce dossier. Une partie de ce gaz est réexporté vers l’Allemagne. Et je ne pense pas que ne plus importer de GNL russe heurterait significativement les finances russes. S’ils arrivent à avoir assez de bateaux, ils trouveront sans problème de nouveaux marchés pour leur gaz.
Fabien Bouglé : La France a fait le choix de construire des terminaux méthaniers, ce qui a entraîné une inversion des flux. Le gazoduc entre la France et l'Allemagne fonctionne désormais en sens inverse. Avant, le gaz transitait d’Allemagne vers la France grâce à Nord Stream. Désormais, l’Allemagne n’ayant plus accès à Nord Stream, c’est la France qui importe du gaz pour le redistribuer à l’Allemagne. Il est donc logique que ces volumes augmentent. Mais ce gaz n’est pas destiné à la France. Il est bien plus destiné à notre voisin européen. De plus, il faut rappeler qu’il n’y a jamais eu de véritables sanctions efficaces sur le gaz russe. À la demande des Allemands, l’Europe n’a jamais sanctionné ni l’importation ni la consommation de gaz en provenance de Russie. Mediapart se trompe sur ce dossier des importations. Elles sont en réalité à destination de l’Allemagne.
J’ai d’ailleurs révélé qu’en avril 2024, les États-Unis avaient, depuis le début de la guerre en Ukraine, levé toutes les sanctions énergétiques et économiques contre la Russie dans le secteur de l’énergie. En réalité, depuis le début du conflit déclenché par Vladimir Poutine, les Américains continuent de négocier avec les Russes dans tous les domaines liés à l’énergie. Or, toutes les sanctions ont été levées dans ce secteur par les Américains. Je l’ai découvert en avril et j’ai été fact-checké par Libération. Mais au final, leur vérification a confirmé que j’avais raison. Cette situation, sur le plan énergétique et économique, est absurde.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, les États-Unis et la Russie continuent de négocier dans tous les secteurs de l’énergie. Les États-Unis ont acheté de l’uranium enrichi à la Russie jusqu’en août 2024. L’Europe est le dindon de la farce. Le pétrole que les Européens achètent en Inde ou au Moyen-Orient est en réalité du pétrole russe, simplement raffiné et revendu sous une autre appellation. Il est impossible de se passer des matières premières russes. Il faut arrêter l’hypocrisie. D’un côté, les États-Unis négocient avec la Russie. De l’autre, jusqu’au 31 décembre 2024, le gaz russe transitait encore par le gazoduc Brotherhood à travers l’Ukraine. Pendant toute cette période, l’Ukraine, en pleine guerre, percevait des droits de passage sur le gaz russe qui circulait sur son territoire. Ce que raconte Mediapart est donc totalement déconnecté de la réalité du marché de l’énergie. Pendant la guerre, le commerce de l’énergie a continué avec tout le monde, y compris avec les Ukrainiens qui percevaient de l’argent russe pendant la guerre.
Le passage à l’électrique pour les voitures via le Green Deal est-il un moyen de diminuer notre dépendance aux énergies fossiles par rapport à des pipelines considérés comme n’étant plus fiables pour nous autres Français et même Européens ?
Damien Ernst : Le monde de l’énergie change très rapidement. Plus personne en Europe ne veut entendre parler du Green Deal. Il est devenu le symbole de toutes ces erreurs politiques qui ont conduit l’Europe dans l’abîme. Parmi elles, la sortie du nucléaire, qui nous a rendu trop dépendants du gaz et la désindustrialisation de l’Europe, qui nous a rendus faibles économiquement. Plus personne ne va défendre ce truc-là politiquement. Maintenant, pour les voitures électriques, laissons faire le marché, mais soyons un rien cynique. Une voiture non électrique consomme à la base du pétrole. Or, une voiture électrique consomme de l’électricité qui est en partie produite par du gaz. Le problème est actuellement le gaz, et non le pétrole. Donc vraiment, aujourd’hui, il ne faut surtout pas mettre l’accent sur la voiture électrique tant que l’on n’est pas sorti de cette crise du gaz qui tue le tissu industriel européen. Et il faudra que le prix chute sous les 30 euros/MWh pendant une longue période pour pouvoir dire que l’on en est sorti.
Fabien Bouglé : Pour la France, qui dispose d’un fort potentiel électrique, l’électrification des usages est effectivement un moyen de réduire notre consommation d’énergies fossiles. C’est une réalité. Cela passe par les voitures électriques, mais aussi par l’électrification plus globale des usages.
Actuellement, la France dépend à 44 % des importations d’énergie. Il est donc possible de réduire cette part en augmentant nos capacités de production électrique, notamment en construisant de nouvelles centrales nucléaires. Cela garantirait à la France un approvisionnement énergétique souverain, en opposition au "gaz de la liberté" américain.
La réponse que la France doit adopter est claire : cela doit passer par le nucléaire, via les électrons de la liberté. C’est la seule façon d’assurer une indépendance énergétique et d’éviter les importations en provenance de pays tiers.
L’électrification des usages est une solution, mais son objectif principal n’est pas la décarbonation. L’enjeu central est la souveraineté énergétique.
Est-ce que la crise algérienne peut avoir elle aussi des conséquences sur les tarifs de l’énergie ? Quel est le montant des contrats énergétiques de la France avec l’Algérie ?
Damien Ernst : Il ne faut pas analyser les choses comme cela. Si l’Algérie ne vendait plus de gaz à la France, elle le vendrait à un autre pays. Et les vendeurs de gaz à cet autre pays vendraient leur gaz à la France. Ce serait simplement un jeu de chaise musicale. Bien entendu, on pourrait imaginer un gouvernement algérien en pleine dérive qui déciderait de ne plus vendre de gaz à personne. Là, effectivement, il y aurait une flambée des prix du gaz qui nous ferait terriblement souffrir. Mais cela voudrait aussi dire que l’Algérie hypothéquerait — et pour longtemps — son industrie gazière. C’est un pays déjà dysfonctionnel qui partirait ainsi encore plus à la dérive. Malheureusement, il y a eu tellement de décisions hors du commun, voire absurdes, ces dernières années sur les marchés du gaz que je ne peux plus rien exclure avec 100 % de certitude. Mais voyons le bon côté des choses : c’est une excellente raison pour renforcer notre détermination à travailler sur notre souveraineté énergétique !
Quid aussi des projets d'oléoducs avec la Turquie passant par la Syrie qu'Assad et Poutine bloquaient ? Le retour de la Russie en Méditerranée dans les années 2010 n'était-il pas lié à sa volonté d'empêcher la construction d'autres routes énergétiques ?
Fabien Bouglé : Il faut comprendre qu’une partie de la crise au Moyen-Orient est directement liée à la construction des gazoducs. C’est notamment le cas dans la bande de Gaza, où un enjeu énergétique majeur concerne l’exploitation des poches de gaz situées au large. Je ne serais pas surpris que derrière la volonté américaine de contrôler Gaza, il y ait aussi un objectif de prise de contrôle de ces ressources.
De la même manière, l’Iran et la Russie viennent d’annoncer la construction d’un gazoduc reliant leurs territoires. Il est donc évident que les conflits, y compris la guerre en Syrie, s’inscrivent dans une lutte pour le contrôle des routes gazières au Moyen-Orient.
Derrière tous les conflits armés actuels, il existe un enjeu énergétique sous-jacent. Cela a été observé au Haut-Karabagh, en Arménie. Ce territoire a été abandonné en raison des intérêts gaziers européens, car l'Europe avait besoin du gaz qui transite par cette région.
Au regard du contexte international, a-t-on une idée du coût ou de la hausse possible sur la facture des Français d’un nouveau choc et de cette nouvelle guerre de l’énergie à moyen ou long terme ?
Fabien Bouglé : L’augmentation de la facture énergétique des Français ne dépend pas uniquement du coût de l’énergie. Elle est également liée aux subventions accordées aux énergies intermittentes, comme l’éolien et le solaire, ainsi qu’aux transformations du réseau électrique.
Tant que la politique d’expansion des énergies intermittentes se poursuivra, les subventions augmenteront, entraînant une hausse du coût des réseaux et, par conséquent, une augmentation inévitable des factures.
Par ailleurs, la structure même du marché européen de l’électricité est problématique. Il est totalement déconnecté des réalités économiques et du prix réel de l’énergie. Les Français ne bénéficient plus des coûts modérés de leur production nucléaire, ce qui est un véritable scandale.
Avec dix anciens dirigeants de la filière énergétique française, nous avons publié un "J’accuse énergétique" dans Le Point le 1ᵉʳ décembre 2024, dénonçant cette situation. Les faits nous donnent raison.
Si rien ne change en profondeur, la hausse des factures sera inévitable, notamment en raison des coûts liés aux éoliennes, à leur raccordement et à la guerre mondiale de l’énergie que mèneront Poutine et Trump. Il est donc urgent d’agir pour faire face à ces défis.
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